Docteur Amélie TOUILLET, Madame Manon CHATEAUX , Docteur Julien ROSSATO, Docteur Isabelle LOIRET, Docteur Pierrick HERBE, Professeur Jean PAYSANT , Professeur Jozina B. DE GRAAF
Après amputation de membre, le membre fantôme est principalement décrit et étudié dans sa dimension douloureuse. Cependant, il existe également des phénomènes fantômes indolores, dont les mouvements de la main fantôme chez les amputés de membre supérieur (Touillet, 2018).
Ces mouvements volontaires de membre fantôme sont systématiquement associés à des activités musculaires dans le membre résiduel. Le schéma d’activation musculaire est spécifique du mouvement fantôme effectué, y compris pour les mouvements de la main après amputation au-dessus du coude alors que les muscles résiduels n’étaient pas directement impliqués dans les mouvements de la main avant l’amputation (Raffin, 2012).
Cela suggère que les commandes motrices qui atteignaient avant l’amputation, les muscles de la main ciblent en post amputation, des muscles plus proximaux, au niveau du bras. La réorganisation corticale a longtemps été décrite comme l’explication à la survenue des phénomènes de membre fantôme (en particulier pour les aspects douloureux) avec la zone du bras qui s'étendrait et se mêlerait à la zone de la main au niveau du cortex sensorimoteur primaire (Flor 2006). Récemment des théories envisagent également une part de réorganisation au niveau spinal et périphérique dans la survenue de phénomènes fantômes (Collins 2018).
mouvement de membre fantôme, réorganisation corticale, cohérence corticomusculaire, explorations neurophysiologiques
Pour évaluer cette réorganisation du système nerveux dans les mouvements de membre fantôme, nous avons comparé des mouvements cycliques d'ouverture/fermeture de la main fantôme à des mouvements d’anté/rétropulsion de l’épaule résiduelle chez 5 personnes amputées au-dessus du coude. Pour étudier la connexion fonctionnelle entre le cortex et les muscles, nous avons utilisé la cohérence corticomusculaire (CCM). Nous avons ainsi évalué la CCM entre les signaux électromyographiques (EMG) enregistrés par électrodes de surface au niveau du bras résiduel et les signaux électroencéphalographiques (EEG) provenant d'un casque à 64 canaux pour ces 2 types de mouvements.
Dans les deux conditions, la CCM se situe dans la gamme ϒ, une fréquence correspondant à celles trouvées pour des mouvements de membre sain. Nos résultats ont mis en évidence un déplacement latéral de l'activité corticale pendant les mouvements de membre fantôme par rapport aux mouvements du membre résiduel.
Cela suggère à la place d'une seule expansion de la zone corticale du bras vers la zone corticale de la main, une réorganisation neuromusculaire avec des motoneurones sectionnés innervant avant l'amputation, les muscles de la main, projettant en post amputation vers les muscles résiduels du bras.
La réorganisation corticale seule ne peut donc pas expliquer la capacité à réaliser des mouvements de membre fantôme et il existe des arguments pour la participation d’une réorganisation spinale et périphérique. Une meilleure compréhension de ces réorganisations du système nerveux est nécessaire pour envisager d’utiliser ces mouvements de membre fantôme pour la commande de prothèses myoélectriques (Jarrassé, 2018).
Collins K.L., et al. A review of current theories and treatments for phantom limb pain. J Clin Invest. 2018;128(6):2168–2176
Flor H., et al. Phantom limb pain: a case of maladaptive CNS plasticity? Nat Rev Neurosci. 2006 Nov;7(11):873-81
Jarrassé N., et al. Phantom-mobility-based prosthesis control in transhumeral amputees without surgical reinnervation : a preliminary study. Frontiers in Bioengineering and Biotechnology. 2018;6
Raffin E., et al. The moving phantom : motor execution or motor imagery ? Cortex.2012;48:746-757
Touillet A., et al. Characteristics of phantom upper limb mobility encourage phantom mobility-based prosthesis control. Nature scientific report. 2018;1-10