Docteur Jean Claude BERNARD, Monsieur Grégory NOTIN
La lyse isthmique est définie par l’apparition d’une solution de continuité au niveau de l’isthme vertébral ou pars inter-articularis, en général entre L5 et S1. La prévalence est de 4 à 6% dans la population générale. Les deux types les plus communs de spondylolyse et de SPO qui se rencontrent chez l’enfant et le jeune adulte sont les formes dysplasiques et les formes par lyse isthmique (fracture de fatigue de la pars-articularis soumise à des microtraumatismes en extension) selon la classification proposée par Wiltse (1).
Nous allons expliquer dans cet article, les particularités de l’examen clinique et radiologique du spondylolisthésis douloureux puis nous aborderons le traitement conservateur en insistant sur les principes de contention qui diffèrent de ceux d’une lombalgie fonctionnelle.
Spondylolyse/spondylolisthésis/douleur/position antalgique, immobilisation lombo-sacrée.
La confection et l'adaptation du corset telles que développées dans ce résumé, sont directement issues des résultats de cette étude.
L’examen clinique débute toujours par l’anamnèse qui permet de situer le degré de douleur (si elle existe) et de la gêne fonctionnelle occasionnée (si elle existe).Cela signifie, qu’il n’y a pas de parallélisme radio-clinique dans la problématique du spondylolisthésis ( SPO) et que la plupart sont asymptomatiques.
La rotation externe des membres inférieurs est une des caractéristiques des SPO à grands déplacements (douloureux ou non) : le patient va compenser son manque progressif de longueur des ischios-jambiers par une rotation externe, lui permettant de trouver un crédit de longueur dans le plan sagittal. Un tableau de lombo-sciatalgie peut accompagner également ce type de SPO.
La position antalgique n’est jamais aussi facile à déterminer que pour la lombalgie fonctionnelle, tout simplement parce que cela dépend de l’importance du glissement, de l’existence ou non d’une cyphose lombo-sacrée et de la valeur de l'Incidence Pelvienne.
Les particularités de l’examen radiologique ont bien été décrites par Roussouly (3).
La recherche d’un spondylolisthésis puis à la mesure du listhésis : ce glissement se mesure en pourcentage par rapport à la largeur de la base sacrée selon la méthode de Taillard (4) ou en grade selon la classification de Meyerding (5).
Radiographie de profil centrée sur L5-S1: c’est ce cliché qui permet une mesure reproductible du glissement en cas de SPO, par des clichés reconduits annuellement en période croissance.
L’angle de cyphose lombo-sacrée (Lombo-sacral-angle =LSA) ou angle de glissement. Inférieur à 90° le sacrum est vertical et la cyphose lombosacrée marquée, supérieur à 100°, le sacrum est horizontal.
L’examen tomo-densitométrique (scanner) avec reconstructions bi et tri dimensionnelles de la charnière lombosacrée : en fonction du type de douleur, il permet d’éliminer un problème de conflit disco-radiculaire, de rétrécissement canalaire constitutionnel ou acquis. Le scanner est très utile quand il y a un doute sur une rupture unilatérale de l’isthme ou une rupture bilatérale mais « serrée » peu visible sur les radiographies standard.
L’imagerie par Résonnance Magnétique (IRM): très intéressante chez l’adolescent car non irradiante, elle permet une bonne étude de la trophicité du disque intervertébrale (L5S1) et des compressions radiculaires éventuelles et pour ces raisons certains l’utilisent dès la phase diagnostique. L’altération du disque L5-S1 peut être à l’origine d’une décompensation d’un SPO asymptomatique jusqu’alors, sur un rachis pourtant assez bien équilibré. L’IRM est systématique dans le bilan avant mise en place d’un corset ou avant chirurgie du SPO.
Prise en charge rééducative et orthopédique :
- Ebermeyer (6) a décrit précisément dans son article pour la SOFOP, les principes de la rééducation adaptés au spondylolisthésis douloureux :
- Conseils systématiques d’ergonomie rachidienne : étude personnalisée de la position semi-assise avec la contention, apprentissage du verrouillage lombo sacré sous corset, mise en application dans la vie quotidienne.
Pratique sportive:
- Dès le départ, la pratique des sports est discutée : soit elle est arrêtée totalement si l’activité sportive seule déclenche la douleur ; le plus souvent, on la restreint en limitant tous les mouvements d’hyperlordose lombaire et d’hyperextension.
- La modification du geste sportif est indispensable avec l’apprentissage d’un verrouillage lombo-sacré lors de la pratique sportive.
Contention lombo-sacrée:
Le traitement conservateur (7) consiste, dans un premier temps, en une immobilisation en lombostat plâtré de 30 à 45 jours, suivie du port d’un corset bivalve en polyéthylène pour une durée variable, qui dépend de l’atténuation progressive et totale de la symptomatologie (25 mois en moyenne : de 3 mois à 48 mois).
Les principes de l’immobilisation lombo-sacrée en plâtre ou résine:
* ne pas chercher à trop délordoser en lombaire : immobiliser la charnière lombo-sacrée dans une position qui reproduit le mieux possible le parallélisme des surfaces représentées par la base sacrée et le plateau inférieur de L5
* pas de rétroversion sacrée
* appui sous ombilical marqué.
* en cas de conflit disco-radiculaire, nous bloquons la hanche par une prise crurale homolatérale (sans pièce de hanche) afin de limiter au maximum la mobilité du couple lombo-pelvien
* en général, le patient est immobilisé sans correction particulière au niveau lombo-sacré en veillant à conserver un équilibre rachidien harmonieux (8).
Immobilisation par corset :
- le positif plâtré ou virtuel doit être globalement aminci dans la partie sous- ombilicale d’au moins 3cm et même jusqu’à 5cm en cas de surcharge pondérale afin d’éviter que la valve antérieure du corset ne soit inefficace.
- la valve postérieure du corset doit avoir une épaisseur d’au moins 4 mm pour être assez rigide.
- pour la valve antérieure, on préfère une épaisseur de 5 mm pour confirmer la pression dans la partie sous-ombilicale.
- la fermeture du corset s’effectue par des sangles disposées en oblique de façon à ne pas créer d’intolérances en regard des épines iliaques antéro-supérieures tout en conservant la qualité du serrage.
- prise crurale en cas d’irradiation sciatique avec pièce de hanche articulée, pouvant être déverouillée afin de faciliter la position semi-assise sur une assise surélevée.
- la confection et l’adaptation d’un corset pour une lombalgie secondaire à un spondylolisthésis est tout à fait spécifique car le but n’est pas de délordoser en lombaire comme on pourrait être amené à le faire dans certaines lombalgies d’origine facettaire mais plutôt de décyphoser la charnière lombo-sacrée.
- la recherche de la position antalgique doit être très minutieuse avant la réalisation de la contention.
- la particularité de ce type de contention est l’appui sous-ombilical: il est impératif de réaliser une fenêtre en regard de l’estomac car la pression sur les viscères est forte.
- le serrage doit être contrôlé régulièrement ; si l’on veut éviter la récidive immédiate des douleurs, il y a nécessité de refeutrage. Celui-ci sera toujours global sans changer la position antalgique.
- la pratique de kinésithérapie accompagne toujours le port du corset.
Le traitement conservateur corrige un trouble de mobilité au niveau de la charnière lombo-sacrée (instabilité ?) apparu durant la croissance, à l'origine des douleurs et non pas un glissement ou un trouble de courbure.
1) Wiltse LL, Winter RB. Terminology and measurement of spondylolisthesis. J Bone Joint Surg Am 1983;65:768-72.
2) Bernard JC, Albertin C. Les paramètres radiologiques de profil et leur évolution en cours de croissance chez les enfants et les adolescents suivis pour spondylolisthésis. - 3è Congrès de la Société Internationale de Recherche et d’Etude sur le Rachis (SIRER), Lyon, 27-29 novembre 1997. - Résonances Européennes du Rachis 1997 ; 16 : 38
3) Hubert labelle, Pierre Roussouly, Eric Berthonnaud, Joannès Dimnet, and Michael O’Brien .The importance of spino-pelvic balance in L5-S1 developmental spondylolisthesis. A review of pertinent radiologic measurements. Spine 2005, volume 30, number 6S, pp S27-S34.
4) Taillard W. Le spondylolisthésis chez l’enfant et l’adolescent (étude de 50 cas). Acta Orthop Scand 1954 ; 24 (2) : 115-44 Meyerding HW. Spondylolisthesis. Surg Gyn Obstetr 1932 ; 54 : 371-377
5) Meyerding HW. Spondylolisthesis. Surg Gyn Obstetr 1932 ; 54 : 371-377
6) Eric Ebermeyer. Prise en charge conservatrice de la spondylolyse et du spondylolisthésis de l’enfant et l’adolescent. DOI : 10.34814/SOFOP-2020-004
7) Bernard JC. Prise en charge orthopédique des spondylolisthésis douloureux. . In : Biot B (dir.), Dimeglio A, Hérisson C. Le spondylolisthésis : de l'enfant à l'adulte. Elsevier Masson, 2007 : 43-58.
8) Roussouly P, Gollogly S, Berthonnaud E, Dimnet J. Classification of the normal variation in the sagittal alignment of the human lumbar spine and pelvis in the standing position. Spine 2005;30 (3): 346-353