Docteur Amélie TOUILLET, Madame Laura GIESSINGER, Madame Marie-Pierre GAUZELIN, Madame Cécile LECHAUDEL, Docteur Pierrick HERBÉ, Docteur Anne FOISNEAU-LOTTIN, Professeur Jean PAYSANT
Les principes d’immobilisation et de rééducation après réparation des tendons fléchisseurs des doigts évoluent régulièrement en fonction de l’évolution des techniques chirurgicales et de l’état des connaissances biomécaniques du fonctionnement de la main. L’objectif des protocoles de rééducation précoce est de trouver un compromis entre le risque de rupture de la suture et celui d’adhérences péri tendineuses (1). Initialement, la prise en charge reposait sur une immobilisation poignet fléchi ; par la suite des auto-mobilisations passives et actives protégées des doigts ont été réalisées dans une orthèse immobilisant le poignet en flexion puis en rectitude et enfin en extension (1,2). Actuellement, certains protocoles ne comprennent plus d’immobilisation du poignet mais sont au contraire basés sur des exercices utilisant la mobilité du poignet pour limiter les adhérences. Le protocole de Manchester utilise l’effet ténodèse actif poignet-doigts jusque 45° d’extension de poignet pendant les 6 premières semaines post opératoires (3,4). Différentes versions modifiées de ce protocole ont été décrites (5,6). L’intérêt de l’effet ténodèse actif est de limiter les adhérences du fléchisseur commun profond (FCP) en extension et les adhérences entre le FCP et le fléchisseur commun superficiel (FCS).
suture des tendons fléchisseurs, auto-mobilisations précoces protégées, effet ténodèse actif poignet doigts, protocole de Manchester, orthèse
L’objectif est de présenter les éléments ayant conduit à la conception d’une nouvelle orthèse de protection et d’exercices pour intégrer cet effet ténodèse actif dans les protocoles d’auto-mobilisations du centre Louis Pierquin. Un cahier des charges a défini les éléments suivants : positions articulaires dans l’orthèse, limitation des manipulations des modules (pour limiter le risque de rupture), possibilité de poursuivre les auto-mobilisations passives et actives globales protégées et de réintégrer la main dans les activités sans force ni résistance à partir de la 4ème semaine post opératoire révolue.
Le protocole selon Manchester adapté est mis en place uniquement en cas de sutures solides du (de) FCP en zone 1-2 (+/- associée à une lésion de(s) FCS) sans dévascularisation digitale et pour des patients observants à la prise en charge et au suivi hebdomadaire.
L’orthèse de protection comprend un module circulaire et 2 modules dorsaux amovibles. Le port du module circulaire est permanent pendant 6 semaines. Ce module ne limite pas la flexion de poignet mais limite l’extension de poignet à 30° ce qui permet d’utiliser l’effet ténodèse actif et limite le risque d’enraidissement et de douleur du poignet post immobilisation tout en protégeant la suture des contraintes liées à une extension complète de poignet et de doigts.
Le module dorsal porté pendant les auto-mobilisations pendant les 6 premières semaines positionne les métacarpo-phalangiennes (MP) à 30° de flexion et les inter phalangiennes (IP) en rectitude. Il permet de réaliser des mouvements de flexion/extension des doigts en position de protection (MP fléchies). Ce module dorsal permet de poursuivre les auto-mobilisations protégées réalisées dans nos protocoles habituels. Le choix de la position des doigts a été réalisé en prenant en compte les résultats d’une étude cadavérique (7) et d’une étude chez des sujets sains montrant qu’une extension de 30° de poignet permet de protéger les sutures des tendons fléchisseurs des doigts longs en diminuant la tension des tendons extenseurs (8), sans modifier la détente des fléchisseurs en comparaison à un poignet à 0° (7).
Le module dorsal mis en place en dehors des auto-mobilisations pendant les 5 premières semaines puis dans les situations à risque et la nuit jusqu’à la 6ème semaine immobilise les doigts longs MP fléchies à 60° et IP en rectitude. Cela permet une protection des sutures et limite le risque d’enraidissement des MP en extension.
La réalisation de ces modules dorsaux amovibles permet à partir de la 4ème semaine post opératoire de porter par période uniquement le module circulaire pour réintégrer la main dans les activités sans force ni résistance, en limitant l’extension de poignet, sans gêne en lien avec la partie dorsale de l’orthèse. Ce n’est pas le cas avec l’orthèse selon Manchester (4) constituée d’un seul module avec une partie dorsale présente en permanence.
Avant d’aboutir à cette orthèse, différents prototypes ont été réalisés en prenant en compte les connaissances biomécaniques et le cahier des charges. Tous ces prototypes permettaient une limitation de la mobilité du poignet à 30° d’extension sans limitation de la flexion et un positionnement des doigts MP fléchies à 30° pour les exercices et à 60° en dehors des exercices. La prise en compte des avantages et des limites des différents prototypes réalisés nous a amené à cette nouvelle orthèse qui permet à la fois d’intégrer l’effet ténodèse actif dans les auto-mobilisations mises en place tout en gardant la possibilité de réintégrer précocement la main dans des conditions confortables.
La réalisation d’un cahier des charges a été une étape importante avant de réaliser différents prototypes qui ont été ensuite testées d’abord chez des sujets sains pour évaluer la tolérance, la facilité de mise en place et la possibilité de réaliser les auto-mobilisations. L’orthèse obtenue à l’issue de ce processus est maintenant utilisée en pratique clinique ce qui va permettre d’évaluer ses avantages et ses inconvénients et éventuellement de la faire encore évoluer.
1. Foisneau-Lottin A, Touillet A, Paysant J, Dautel G. Rééducation après réparation primaire des tendons fléchisseurs des doigts chez l’adulte. Chir Main. déc 2014;33:S72‑80.
2. Bigorre N, Delaquaize F, Degez F, Celerier S. Primary flexor tendons repair in zone 2: Current trends with GEMMSOR survey results. Hand Surg Rehabil. oct 2018;37(5):281‑8.
3. Howell JW, Peck F. Rehabilitation of flexor and extensor tendon injuries in the hand: Current updates. Injury. mars 2013;44(3):397‑402.
4. Peck F, Roe A, Ng C, Duff C, McGrouther D, Lees V. The Manchester short splint: A change to splinting practice in the rehabilitation of zone II flexor tendon repairs. Hand Ther. juin 2014;19(2):47‑53.
5. Degez F, Ferchaud F, Chauchard S, Bigorre N. La rééducation des plaies des tendons fléchisseurs en zone 2 selon le protocole de Manchester est-elle une affaire de spécialiste ? Hand Surg Rehabil. déc 2019;38(6):454.
6. Delaquaize F, Giroud M. Intérêt des protocoles en flexion active protégée lors d’une lésion des tendons fléchisseurs : vers toujours plus de liberté contrôlée. Kinésithérapie Rev. juin 2020;20(222):51‑60.
7. Athlani L, Detammaecker R, Touillet A, Dautel G, Foisneau A. Effect of different positions of splinting on flexor tendon relaxation: a cadaver study. J Hand Surg Eur Vol. oct 2019;44(8):833‑7.
8. Savage R. The Influence of Wrist Position on the Minimum Force Required For Active Movement of the Interphalangeal Joints. J Hand Surg. juin 1988;13(3):262‑8.